Sponsoring : L’après-Jeux olympiques, un risque de désillusion pour les athlètes français
- leobocquillon
- 4 nov. 2024
- 7 min de lecture
La France, malgré son prestige sportif et son potentiel dans diverses disciplines, est en retard en matière de sponsoring individuel des athlètes, un domaine où le soutien privé est crucial pour la pérennité des carrières. Ce retard, est bien plus visible après des Jeux olympiques de Paris 2024, et risque de poser de sérieux défis dans l'après-événement, surtout pour les athlètes dont la notoriété n’est pas solidement établie. Comparé aux modèles américain et britannique, le modèle français révèle des faiblesses structurelles qui nécessitent d’être repensées pour assurer un avenir stable aux sportifs, particulièrement dans les disciplines moins médiatisées.

Le modèle français de soutien aux athlètes : une dépendance aux subventions publiques
En France, le soutien aux athlètes repose en grande partie sur le financement public. Le ministère des Sports, les collectivités locales et les structures comme l’INSEP (Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance) apportent des ressources substantielles aux athlètes en fonction de leurs résultats et de leurs performances dans des compétitions internationales. Ce système a permis de former de nombreux champions, mais il reste limité par les contraintes budgétaires de l’État et manque de flexibilité face à l'évolution rapide du marché sportif international.
Cette structure publique a le mérite de garantir une certaine équité et de veiller au développement des sports de masse. Mais en contrepartie, elle limite la capacité des athlètes à diversifier leurs sources de revenus, ce qui est particulièrement problématique pour ceux qui ne bénéficient pas d'une grande visibilité médiatique. Dans des disciplines comme l’athlétisme, la natation, ou l’escrime, la dépendance au soutien public est souvent totale, ce qui fragilise les carrières des sportifs en cas de baisse des dotations ou de résultats en-deçà des attentes.
Le modèle américain NIL : une ouverture totale au sponsoring individuel dès le niveau universitaire
Aux États-Unis, le modèle est radicalement différent, grâce à la mise en place du programme NIL (Name, Image, Likeness), qui autorise les athlètes universitaires à signer des contrats de sponsoring, exploitant leur nom, leur image et leur réputation pour générer des revenus. Avant l'introduction de cette règle en 2021, les athlètes universitaires ne pouvaient pas bénéficier directement de leurs performances. Aujourd’hui, les sportifs, même sans être des professionnels, peuvent nouer des partenariats avec des marques et créer des revenus substantiels bien avant d’atteindre les niveaux de compétition mondiale.
Ce modèle encourage l’autonomie financière des athlètes et leur permet de développer leur marque personnelle dès le plus jeune âge, tout en poursuivant leurs études. Cette initiative favorise non seulement le développement de l’indépendance économique des athlètes, mais elle contribue aussi à préparer leur transition vers une carrière professionnelle. Les sportifs américains qui deviennent professionnels arrivent donc souvent avec une base financière solide et une image de marque déjà établie. Ce système permet aussi d'attirer plus de sponsors vers des disciplines moins populaires, soutenant ainsi une diversité de sports qui serait difficile à financer autrement.

Le modèle britannique : une implication importante du secteur privé
Au Royaume-Uni, le modèle est plus axé sur le secteur privé. Le financement des athlètes, surtout dans les sports olympiques, provient en grande partie des entreprises et des sponsors privés, bien que les fonds publics, par le biais de UK Sport, soient aussi mobilisés pour les grandes compétitions. Ce partenariat public-privé assure une base de soutien tout en encourageant les sportifs à rechercher activement des partenariats pour compléter leurs revenus. Les Britanniques, en ayant recours à des financements privés, favorisent une culture où les athlètes développent leur image, participent à des campagnes publicitaires, et multiplient les sources de revenus.
Ce modèle a l’avantage de ne pas faire peser toute la charge du financement sur le secteur public, et il permet aux athlètes de créer des relations de long terme avec des marques qui deviennent des alliés précieux pour leur carrière. De plus, le secteur privé investit dans des infrastructures et des centres de formation, participant directement à la valorisation des talents britanniques.
L’après-Jeux olympiques : un risque de désillusion pour les athlètes français
Suivant les Jeux de Paris 2024, de nombreux athlètes français profitent d’une visibilité accrue et reçoivent des soutiens financiers ponctuels. Cependant, une fois l’euphorie olympique passée, beaucoup d’entre eux devront faire face à une chute de la couverture médiatique et à un retrait des sponsors temporaires. Sans structure de soutien durable et sans la possibilité de bénéficier de partenariats privés, ces athlètes risquent de se retrouver en difficulté financière. Les disciplines moins médiatisées seront les plus touchées, alors même que la France regorge de talents dans des sports qui attirent moins les sponsors.
En outre, la culture française n’encourage pas suffisamment les athlètes à développer leur marque personnelle, un élément pourtant essentiel pour attirer les sponsors. Contrairement à leurs homologues américains ou britanniques, les sportifs français sont souvent mal préparés pour faire face à la réalité du marché du sponsoring individuel. La gestion de l’image de marque et l’utilisation des réseaux sociaux sont des compétences peu enseignées dans les centres de formation, ce qui laisse de nombreux athlètes dans l’ombre, sans ressource durable.
Florent Manaudou, champion olympique de natation, a souvent exprimé une frustration partagée par de nombreux sportifs français : il estime que "la France n'est pas un pays de sport." Cette déclaration met en lumière un problème structurel dans l'écosystème sportif français, où les athlètes peinent à obtenir le soutien nécessaire pour exceller sur la scène internationale. Comparée à d'autres pays, la France accorde relativement peu de reconnaissance et d'aides financières aux athlètes en dehors des grandes compétitions, et même dans le cadre des Jeux olympiques, ces soutiens sont souvent ponctuels.
Le constat de Manaudou soulève la question des priorités de la France : malgré son rôle en tant que nation de haut niveau dans des disciplines comme le football, le rugby, le judo, ou encore la natation, l’absence d’un système solide de soutien permanent place la majorité des sportifs dans une situation précaire. Le financement public, souvent insuffisant, et l’absence de culture de sponsoring privé limitent sérieusement les capacités des athlètes à se consacrer entièrement à leur carrière sportive. Pour beaucoup, la France semble valoriser les grandes compétitions, mais elle peine à soutenir le quotidien des sportifs, surtout dans les sports moins médiatisés.
Beaucoup d’athlètes reçoivent des aides qui dépendent de leurs performances et de leurs résultats, un modèle qui peut devenir précaire en cas de blessure ou de contre-performance. Ce mode de financement, lié aux résultats, fait peser une pression importante sur les athlètes, qui sont contraints de performer constamment pour maintenir leurs moyens de subsistance.Dans les sports où les compétitions internationales sont moins fréquentes, comme le tir, la voile, ou le pentathlon moderne, les aides publiques peuvent être minimes voire inexistantes, laissant ces athlètes quasiment sans ressources. En l’absence d’un soutien financier stable, beaucoup sont contraints de cumuler emploi et entraînement, un équilibre difficile qui nuit souvent à leurs performances.
Le manque de culture de sponsoring en France : un frein pour les athlètes
La culture française, en matière de sponsoring sportif, reste en retrait par rapport à d’autres pays. En France, le sponsoring sportif reste focalisé sur les sports les plus médiatisés, comme le football et le rugby, ce qui limite les opportunités pour les athlètes d’autres disciplines. Contrairement aux États-Unis ou au Royaume-Uni, où même les sports moins populaires peuvent bénéficier d’un soutien privé significatif, les athlètes français en dehors des sports phares peinent à attirer des sponsors. Pour de nombreux sportifs français, les partenariats privés sont rares, et l’accès aux financements est difficile en dehors des périodes de compétitions majeures, comme les Jeux olympiques. Le manque de visibilité médiatique pour certaines disciplines, combiné à une culture où le sport est souvent perçu comme un loisir et non comme une profession à part entière, contribue à ce déficit de soutien.

L’impact de ce manque de soutien sur les carrières des sportifs français
Le manque de soutien permanent pousse les sportifs français vers des carrières plus incertaines et instables. Sans sécurité financière, ils sont souvent obligés de s’orienter vers des emplois parallèles pour financer leur entraînement. Cela devient particulièrement problématique après les Jeux olympiques, où l'attention médiatique baisse fortement et où beaucoup se retrouvent sans sponsors ni revenus stables. Les athlètes français, qui n’ont pas bénéficié d’une formation spécifique pour se construire une marque personnelle ou pour gérer leur image publique, peinent à trouver des solutions de sponsoring autonomes. Par ailleurs, les jeunes talents risquent de passer inaperçus sans une structure de soutien qui pourrait leur offrir les moyens de se développer sur le long terme. Ce manque de soutien global et de possibilités de promotion personnelle rend difficile la transition des athlètes vers une carrière professionnelle après leur carrière sportive.
Repenser la structure du sport français pour une pérennité des carrières
À un moment où le sport mondial évolue vers un modèle où l'autonomie financière est cruciale pour la pérennité des carrières, la France devra repenser sa structure de soutien aux athlètes. L’État, bien que garant de l’équité sportive, ne peut pas supporter seul le poids du financement des carrières. Il serait judicieux d’encourager davantage les entreprises françaises à s’investir dans le sport, que ce soit par le biais de sponsoring direct ou en participant au développement des infrastructures.
Des incitations fiscales, des mesures de promotion du mécénat sportif, et des aides pour la formation à la gestion de l’image pourraient encourager les entreprises à s’associer à des sportifs dès le début de leur carrière. Cela permettrait aussi aux athlètes de se professionnaliser, de diversifier leurs revenus, et d’envisager des solutions financières de long terme.
Un autre axe pourrait être l’introduction de programmes similaires au NIL américain, qui permettrait aux jeunes athlètes de s’associer à des marques tout en poursuivant leur formation sportive et académique. Une telle initiative permettrait de réduire la dépendance aux subventions publiques et de préparer les athlètes à une carrière durable. Par ailleurs, il serait bénéfique d’instaurer des formations sur la gestion de l’image, la communication et le marketing dès les niveaux de formation sportive.
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