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La NBA est-elle devenue ennuyeuse ? Le sacrifice du Sport au profit de l'entertainment (5/5) : L'importance des médias

  • leobocquillon
  • 6 nov. 2024
  • 9 min de lecture

Alors que la ligue reine du basket mondial vient de reprendre ses droits outre atlantique, j'ai comme un sentiment de lassitude envers cette entité qui m'a tellement fait vibrer. J'ai de plus en plus de mal a regarder et à m'intéresser à ce produit qui pourtant n'a jamais été aussi attractif et compétitif. C'est pour ça que j'ai essayé via cette série d'article de comprendre comment la NBA était devenue ennuyeuse.



Si l'heure des pros avait un équivalent en NBA
  1. Audiences TV


Les audiences télévisées de la NBA ont connu des hauts et des bas au cours de la dernière décennie, mais elles peinent aujourd'hui à rivaliser avec des mastodontes comme la NFL et le football universitaire, qui captivent des millions de téléspectateurs américains chaque semaine. Plusieurs facteurs expliquent cette différence marquée, parmi lesquels le nombre de matchs, la perception de la qualité du produit NBA, et l'attrait de la compétition directe.


Un facteur clé est le nombre de matchs : la NBA propose une saison régulière de 82 matchs par équipe, soit un total de 1 230 rencontres. Ce volume colossal dilue l'importance de chaque match, rendant difficile pour les fans de suivre toute une saison. En comparaison, la NFL n’a que 17 matchs de saison régulière par équipe, ce qui fait que chaque rencontre est cruciale et attendue avec impatience. Le football universitaire, lui, offre une saison de 12 matchs, amplifiant l'importance de chaque affrontement pour l’avenir des équipes et de leurs classements. L'exclusivité et la rareté des matchs de football créent une urgence et une tension pour les fans qui, par contraste, font souvent défaut dans la NBA.

Cette abondance de matchs dans la NBA nuit également à l'engagement des fans, car beaucoup de matchs de saison régulière manquent de véritable enjeu. L’un des exemples les plus frappants est la tendance croissante des stars de la NBA à se reposer lors de certaines rencontres, phénomène connu sous le nom de "load management". Les joueurs vedettes, soucieux de préserver leur forme pour les playoffs, réduisent leur temps de jeu, parfois en concertation avec les équipes. Cette pratique a un effet direct sur les audiences, car les fans qui s’attendent à voir leurs stars préférées à l’écran peuvent se retrouver face à des matchs sans les grandes vedettes. Le "load management" crée un manque d’attrait pour des matchs déjà nombreux, contribuant à l’érosion de l’intérêt des spectateurs.


Le problème d'audience de la NBA se traduit également par une concurrence directe avec la NFL et le football universitaire, particulièrement pendant la saison automnale. La NFL, en raison de son calendrier limité, peut attirer une grande majorité des téléspectateurs le dimanche, avec des matchs qui monopolisent les créneaux d'audience du début de l'après-midi jusqu'au soir. Le football universitaire, avec des rivalités historiques et une ferveur régionale intense, capte également de larges audiences le samedi, notamment pour des matchs emblématiques comme Alabama contre Auburn ou Ohio State contre Michigan. Face à ces compétitions à enjeu élevé, les matchs de saison régulière de la NBA peinent à captiver de manière similaire, d’autant plus que la période critique de la saison NBA se situe bien plus tard, durant les playoffs, au printemps.





Les audiences de la NBA souffrent aussi de la perception que la ligue privilégie la quantité sur la qualité. Le spectacle et l'offensive dominent souvent le jeu, avec des scores élevés qui peuvent parfois donner une impression de répétitivité pour les fans. Les observateurs critiquent parfois le manque de défense et la forte dépendance au tir à trois points, éléments qui créent un jeu plus standardisé. En NFL, chaque équipe possède une identité de jeu distincte, et la variété des stratégies rend les matchs imprévisibles et passionnants. En comparaison, certains matchs de NBA donnent l’impression que les équipes adoptent des styles de jeu similaires, ce qui peut lasser les téléspectateurs.


Dans ce contexte, la NBA a tenté plusieurs ajustements pour remédier à cette situation. En 2020, la ligue a introduit le "play-in tournament" pour relancer l’intérêt de fin de saison, en permettant à des équipes hors du top 8 de chaque conférence de se disputer une place en playoffs. Ce format a stimulé les audiences de fin de saison, ajoutant une dose de compétition nécessaire, mais il reste un changement mineur dans une saison régulière toujours aussi longue. Plus récemment, l’instauration d'un "In-Season Tournament" vise à donner un sens nouveau à certains matchs en milieu de saison, avec une structure inspirée des compétitions européennes de football. Bien que cela puisse apporter un regain d'intérêt pour des matchs traditionnellement peu suivis, il reste à voir si cela pourra réellement inverser la tendance en termes d’audience.





Un autre facteur important réside dans la nature même du public de la NBA, qui est plus jeune et plus actif sur les réseaux sociaux et les plateformes de streaming que celui de la NFL ou du football universitaire. Bien que la NBA soit populaire en ligne et sur les réseaux sociaux, cette popularité digitale ne se traduit pas toujours en audience télévisée traditionnelle. Beaucoup de jeunes fans consomment des extraits de matchs ou des moments forts, mais ne s'engagent pas pour suivre les matchs dans leur intégralité. Ce déclin de l’audience télévisée, bien qu’il puisse être compensé par des vues en ligne, met en évidence la nécessité pour la NBA de trouver des solutions pour monétiser ce public digital tout en conservant sa base télévisuelle.

Enfin, un autre point qui nuit aux audiences NBA est le déroulement prévisible de la saison. Ces dernières années, quelques équipes dominantes accaparent les chances de victoire, rendant la fin de saison parfois monotone. Les années où les Golden State Warriors et les Cleveland Cavaliers s'affrontaient en finales successives ont fini par lasser une partie des fans, qui ne voyaient pas d’incertitude réelle. La NFL, en revanche, offre une parité plus prononcée, ce qui laisse une place aux surprises et aux ascensions inattendues, un facteur d'attrait majeur pour le public.

Les audiences télévisées de la NBA souffrent de plusieurs handicaps structurels : le grand nombre de matchs, la baisse de l'intensité des matchs réguliers, le "load management", et la forte concurrence avec la NFL et le football universitaire en automne. Pour rester compétitive, la NBA devra probablement repenser son calendrier et adapter ses stratégies pour répondre aux attentes de qualité et d’exclusivité que semblent rechercher les fans. Réduire la saison régulière et donner plus de sens à chaque match pourrait ainsi constituer une solution pour restaurer un sentiment d’importance et capter de nouveau l’attention d’un public de plus en plus exigeant.


  1. Le ras le bol des Narratives


Les narratives constamment fabriqués par les médias NBA sont devenus une source de frustration croissante pour de nombreux fans. Ce storytelling exagéré et souvent artificiel détourne l’attention du jeu lui-même et transforme chaque saison en une suite d’intrigues préfabriquées et de polémiques orchestrées. De plus, ces récits profitent essentiellement aux plus gros marchés, où les projecteurs sont déjà braqués, ce qui désavantage fortement les plus petites franchises. Ces narratifs construits influencent également des aspects cruciaux de la compétition, tels que les trophées de MVP, créant un environnement où le storytelling prend souvent le pas sur les performances sportives.


Un exemple emblématique de cette tendance est l’attention démesurée autour de Bronny James, le fils de LeBron James. Dès ses débuts au lycée, Bronny a été exposé à un cirque médiatique disproportionné, chaque étape de sa carrière étant scrutée et amplifiée au-delà du raisonnable. Les médias ont mis une pression énorme sur un adolescent qui n’a même pas encore fait ses preuves au niveau universitaire, sans parler de la NBA. Le simple fait qu’il soit le fils de LeBron a suffi pour que chaque match, chaque entraînement et chaque décision soit relayé et commenté comme s’il s’agissait de l’un des meilleurs joueurs de la ligue. Les fans, eux, assistent à ce spectacle grotesque, qui semble déconnecté de l’essence même du basket, et voient en Bronny un exemple de l’effet des "narratives" médiatiques, où la célébrité de LeBron James a plus de poids que le talent réel de son fils.





Ces narratives inventées par les médias profitent aussi largement aux grandes franchises, comme les Lakers de Los Angeles, les Knicks de New York, ou encore les Warriors de Golden State. Les joueurs de ces équipes bénéficient d’une couverture médiatique bien supérieure, ce qui leur permet d’être constamment au centre des discussions, même si leurs performances ne sont pas exceptionnelles. Prenons l’exemple des Lakers : malgré des saisons médiocres ces dernières années, les médias continuent de couvrir chaque aspect de l’équipe comme si elle était toujours en lice pour le titre. Cela crée une distorsion dans la perception des fans, qui ont l’impression que certaines équipes méritent plus d’attention simplement parce qu’elles appartiennent à de grands marchés, alors que des équipes de plus petite envergure, comme les Grizzlies de Memphis ou les Bucks de Milwaukee, peuvent être ignorées malgré des performances exceptionnelles.

Ce déséquilibre dans la couverture médiatique a également un impact direct sur les trophées individuels, notamment le prix de MVP (Most Valuable Player). La course au MVP est un exemple parfait de la façon dont les narratifs peuvent influencer l’opinion publique, au point d’éclipser les statistiques et la performance réelle sur le terrain. Le cas de Joel Embiid en est un parfait exemple. Pendant une grande partie de la saison, Embiid n’a cessé d’insister sur son désir de remporter le trophée de MVP, multipliant les apparitions dans les médias pour exprimer son mécontentement face à ses précédentes "injustices" dans la course au titre de MVP. Les médias ont largement relayé ce discours, créant un sentiment de "devoir moral" de récompenser Embiid. Cette pression médiatique a contribué à fausser la course au MVP, certains analystes et journalistes votant probablement pour lui plus par empathie que par objectivité, alors même que d’autres joueurs comme Nikola Jokić présentaient des statistiques équivalentes, sinon supérieures, sans alimenter de tels narratifs. Les fans, qui attendent des trophées qu’ils soient attribués en fonction des performances pures, assistent impuissants à cette course médiatique qui joue en faveur des plus gros marchés ou des joueurs ayant une forte présence médiatique. Cela a contribué à créer un sentiment de lassitude et d'injustice chez beaucoup de supporters, qui voient dans le MVP un trophée de plus en plus influencé par le storytelling médiatique. Les exemples récents montrent à quel point les grands marchés influencent la perception des joueurs : Stephen Curry, LeBron James, et même un Kevin Durant sous les projecteurs médiatiques des Warriors ou des Suns, ont souvent été au cœur des discussions, tandis que des stars évoluant dans de plus petits marchés sont bien souvent sous-représentées dans les conversations pour les trophées majeurs.


Un autre cas significatif de l’effet des narratifs médiatiques est celui de Zion Williamson, joueur des Pelicans de la Nouvelle-Orléans, qui bénéficie d’une couverture disproportionnée malgré ses nombreuses absences dues à des blessures. Dès sa draft, Zion a été présenté comme le prochain "visage" de la NBA, et chaque apparition, chaque retour ou chaque performance, est hypée par les médias, souvent au détriment de joueurs plus réguliers mais évoluant dans des franchises moins prestigieuses. Cette attention, bien que justifiable en raison de son potentiel, tend à renforcer une perception déséquilibrée où la médiatisation prime sur les faits. Pendant ce temps, d’autres joueurs évoluant dans des équipes moins glamour, doivent accomplir des exploits extraordinaires pour mériter une reconnaissance comparable.


Les grands récits médiatiques jouent aussi un rôle dans la perception des rivalités et des dynamiques d’équipe. Les médias ont par exemple largement mis en scène la rivalité entre les Lakers et les Celtics ou les Warriors et les Cavaliers, alors même que la dynamique de la ligue évoluait. Ce faisant, ils ignorent souvent des équipes montantes qui présentent des potentiels de rivalité intéressants, mais moins "vendeurs". Cela réduit la diversité des histoires et crée une monotonie qui déçoit de nombreux fans, qui souhaitent voir la ligue mettre en avant toutes ses équipes et non seulement les franchises les plus emblématiques.


Enfin, la constante recherche d’un "narratif" réduit l'authenticité de la compétition. Les médias sont rapides à créer des titres sensationnels, comme le "Retour du Roi" pour chaque come-back de LeBron, ou la "quête de rédemption" de tel ou tel joueur, même si cela n’a parfois que peu de rapport avec le déroulement réel de la saison. Ce phénomène fait que la saison NBA ressemble de plus en plus à une téléréalité, où chaque performance est jugée à l’aune de la "narrative" construite autour du joueur, et non pour sa qualité intrinsèque. Pour les fans, cela dénature le plaisir du jeu, qui devient un spectacle scénarisé où les athlètes sont davantage des personnages que des compétiteurs.


Cette focalisation sur le storytelling laisse un goût amer à ceux qui suivent le basket pour le jeu en lui-même. La course aux trophées et les performances des équipes sont trop souvent déformées par ces récits, et les fans en viennent à regretter un temps où les performances parlaient d’elles-mêmes, sans l’interférence d'un narratif orchestré pour attirer l’audience. Cette obsession médiatique des "histoires" nuit à l’essence de la NBA, et nombre de supporters espèrent un retour à une couverture plus centrée sur le jeu, où chaque équipe et chaque joueur, quelle que soit la taille de leur marché, ont une chance d’être reconnus pour leur mérite réel.

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